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par Léa Montadour - le 25/04/2024
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par Léa Montadour - le 25/04/2024

La (petite) lumière au bout du tunnel ou Grégory Panaccione et l’art du silence

Deux ans après l’adaptation du roman de Cyril Massarotto Quelqu’un à qui parler pour laquelle il a gagné le Prix Landerneau, Grégory Panaccione retourne sur les terres de l’adaptation graphique en travaillant cette fois autour de l’œuvre d’Antonio Moresco : La Petite Lumière. Une ode au silence et à la contemplation qui assure sa place à Grégory Panaccione dans « l’art de la BD muette ».

© Grégory Panaccione / Delcourt

Deux ans après l’adaptation du roman de Cyril Massarotto Quelqu’un à qui parler pour laquelle il a gagné le Prix Landerneau, Grégory Panaccione retourne sur les terres de l’adaptation graphique en travaillant cette fois autour de l’œuvre d’Antonio Moresco : La Petite Lumière. Une ode au silence et à la contemplation qui assure sa place à Grégory Panaccione dans « l’art de la BD muette ».

« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant. » Ainsi débute La Petite Lumière, le roman d’Antonio Moresco et la bande dessinée du même nom. Après l’adaptation de Cabot-Caboche, c’est sur les conseils de Daniel Pennac que l’auteur a choisi d’adapter ce nouveau roman : pris d’affection pour cette œuvre et son auteur, Antonio Moresco, Grégory Panaccione a pu rencontrer ce dernier et avec son aval, il s’est lancé dans la réalisation de storyboards pour adapter au mieux ce texte énigmatique.

Dans cette adaptation, Grégory Panaccione nous plonge visuellement dans un village de montagne. On y fait la rencontre d’un vieil homme marqué par la vie et qui a fait le choix de s’isoler dans la montagne. La vie se déroule, les années passent et la routine s’installe. Pourtant, un soir, le vieil homme remarque une petite lumière au loin. D’où vient-elle ? N’est il pas seul dans ce hameau désert ?  

Les journées se ressemblent et la nuit, le schéma se répète : la petite lumière brille dans l’obscurité. Le vieil  homme descend au village et interroge les habitants sur l’origine de cette lumière.  Les échos sont les mêmes : un fantôme vit dans la maison. L’homme décide alors de s’y rendre et là, il rencontre un jeune garçon.

© Grégory Panaccione / Delcourt

L’enfant vit seul,  parle peu et semble obsédé par ses devoirs ou les tâches à accomplir dans la maison. Va alors se tisser une relation presque filiale entre l’homme et l’enfant. Au fur et à mesure de leur cohabitation, le passé de l’enfant se dessine. Dans une œuvre qui prend l’allure d’un récit initiatique où nous faisons la rencontre de 2 personnages pris dans 2 états de conscience, 2 périodes de vie différentes qui vont peu à peu se rencontrer.   

L’art du silence

Les deux personnages principaux apparaissent sans particularité aucune, comme s’ils n’avaient pas d’identité propre. Sous la plume de Grégory Panaccione, ils deviennent des caractères, des figures presque fantomatiques. Ici, l’auteur revient aux BD dénuées de phylactères. Comme pour Match ou Un océan d’amour, l’auteur fait le choix d’en dire peu pour imaginer plus. D’une page à l’autre, le lecteur passe d’un paysage lumineux et vaste à l’obscurité de la nuit : un passage d’un état à un autre, de la vie à la mort. 

Un récit initiatique en couleurs qui nous fait nous questionner sur le temps qui passe et met un peu de douceur sur l’oubli. Dans son roman, Antonio Moresco aborde des thèmes difficiles à appréhender : la mort, la solitude, le temps qui passe… Grégory Panaccione donne une forme à ces sujets avec une grande finesse. Par un travail du dessin où l’accent est porté sur un trait fin, des représentations de paysages très aériens, l’adaptation de Grégory Panaccione permet aux lecteurices de se confronter aux sujets complexes défrichés par le roman, mais avec une approche et une sensibilité différente. 

© Grégory Panaccione / Delcourt

Une adaptation réussie du “bébé” d’Antonio Moresco 

Rares sont les adaptations graphiques d’auteurs contemporains et encore plus rares sont celles qui restent fidèles aux textes d’origine. Ici, Grégory Panaccione conserve avec brio toute la singularité stylistique dont fait preuve Antonio Moresco dans ses œuvres. 

On retrouve dans La Petite Lumière cette façon de voir le quotidien avec un réalisme perturbant. Grégory Panaccione signe une œuvre esthétique et poétique au style unique. L’album s’ouvre sur une double page de vol d’hirondelles et se déplie peu à peu sur des panoramas alternant entre paysages nocturnes et diurnes. Une ambiance de fin de monde sur fond de paysages de montagne. Le tout dans un style révélant des doubles pages magistrales qui plongent les lecteurices dans un état de contemplation le temps d’un instant. 

Le choix des couleurs au rendu texturé crée cette impression de retour dans le temps. L’auteur nous emmène sur des terres inconnues, qui pourraient être partout et nulle part à la fois, où l’on rencontre des personnages inconnus, qui pourraient être n’importe qui et tout le monde à la fois. Pourtant, le choix du dessin et de la couleur nous renvoie à des sensations presque familières. 

© Grégory Panaccione / Delcourt

De quoi nous plonger dans une lecture douce et méditative où l’image prime sur le verbe et où le temps l’emporte sur les souvenirs…

Avec La Petite Lumière, Grégory Panaccione continue son entreprise d’adaptation d’œuvres d’auteurs contemporains. Un moyen de mettre en lumière et en dessin des œuvres développant des sujets essentiels. Des sujets qui se retrouvent dans son adaptation de Quelqu’un à qui parler de Cyril Massarotto où l’auteur esquisse les thèmes de la déprime, de l’enfance et de la solitude. Un choix qui n’est pas laissé au hasard, quand on sait que le vieil homme de La Petite Lumière est une version âgée du personnage de Samuel dans Quelqu’un à qui parler. (source)

La Petite Lumière est un album qui évoque les thèmes du temps qui passe, de la langueur de vivre et du caractère inexorable de la mort. Une œuvre très contemplative où Grégory Panaccione laisse une grande part aux images et à tout le sens que celles-ci peuvent contenir. 

La Petite Lumière de Grégory Panaccione, Delcourt coll. Mirages

À noter : Le 22 mai prochain, paraît L’homme en noir, un album dans lequel Giovanni Di Gregorio aborde le sujet des violences sexuelles faites aux enfants sur les dessins de Grégory Panaccione


© Grégory Panaccione / Delcourt
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